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Centres de données : des ONG françaises appellent à un moratoire écologique

Les centres de données : un enjeu écologique majeur en France

Les centres de données, ces gigantesques infrastructures qui stockent et traitent nos flux numériques, sont devenus essentiels dans un monde de plus en plus connecté. Pourtant, leur impact écologique soulève des inquiétudes croissantes. En France, plusieurs associations et collectifs tirent la sonnette d’alarme face à l’empreinte environnementale de ces installations et appellent à une régulation plus stricte. Le débat est d’autant plus urgent que les projets de nouveaux centres se multiplient, portés par des technologies comme l’intelligence artificielle (IA) et la montée des usages numériques.

Une consommation énergétique préoccupante

Les centres de données figurent parmi les plus gros consommateurs d’électricité. En France, ils représentent déjà 2 % de la consommation électrique annuelle totale, un chiffre qui grimpe en flèche avec l’expansion du secteur. Ces infrastructures requièrent une alimentation continue pour faire fonctionner leurs milliers de serveurs et pour les refroidir efficacement. À titre d’exemple, certains projets récents annoncent des centres capables de consommer jusqu’à 1 gigawatt, soit l’équivalent de la production d’un réacteur nucléaire. Cette consommation énergétique massive pose plusieurs problèmes. D’abord, elle accentue la pression sur le réseau électrique, particulièrement en période de tension énergétique comme l’hiver. Ensuite, elle aggrave l’empreinte carbone nationale, car une partie de cette électricité provient encore de sources fossiles. Enfin, le développement de ces infrastructures risque de créer une concurrence pour l’accès à l’énergie, notamment au détriment des ménages et des petites entreprises.

Un modèle qui accentue les déséquilibres environnementaux

L’impact écologique des centres de données ne se limite pas à leur consommation électrique. Ces infrastructures nécessitent également de grandes quantités d’eau pour refroidir les serveurs, ce qui aggrave la pression sur les ressources hydriques locales. Bien que la quantité d’eau utilisée par un centre de données puisse sembler modérée à l’échelle nationale, sa concentration géographique dans certaines zones rend son impact local significatif. Ces centres, souvent situés en périphérie des grandes villes, contribuent ainsi à des déséquilibres dans la répartition de l’eau. De plus, les centres de données participent indirectement à des activités extractives dans d’autres régions du monde. Les serveurs qu’ils abritent nécessitent des métaux rares, dont l’extraction est souvent synonyme d’impacts environnementaux et sociaux graves : pollution des sols, destruction d’écosystèmes, exploitation des travailleurs. Les organisations dénoncent ainsi une chaîne de production marquée par des « prédations croisées » sur les ressources naturelles.

Des risques pour les populations locales

Les centres de données ne sont pas uniquement problématiques sur le plan environnemental ; ils peuvent aussi poser des risques pour les populations vivant à proximité. Ces installations utilisent des équipements et des substances potentiellement dangereuses, comme le fioul ou les gaz fluorés, qui servent à alimenter et refroidir les serveurs. Des fuites ou des accidents pourraient avoir des conséquences graves, à la fois pour la santé humaine et pour l’environnement immédiat. Par ailleurs, la chaleur dégagée par les serveurs contribue à créer des îlots de chaleur dans les zones urbaines où ils sont implantés. Cette problématique est particulièrement préoccupante dans le contexte du réchauffement climatique, où les villes sont déjà confrontées à des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et intenses.

Des projets controversés et une course à l’accélération

Face à ces enjeux, la multiplication des projets de centres de données en France suscite des critiques. L’exemple du Paris Digital Park, immense centre de données prévu en Seine-Saint-Denis, illustre bien cette tendance. Ce projet, qui vise à répondre à la demande croissante en stockage et en traitement des données, symbolise aussi les tensions entre développement économique et protection de l’environnement. Les associations dénoncent un modèle de développement non durable, basé sur l’artificialisation des sols et une consommation excessive des ressources locales. De leur côté, les pouvoirs publics semblent privilégier une approche accélérée du développement de ces infrastructures. En classant les centres de données comme des « projets d’intérêt national majeur », le gouvernement pourrait contourner certaines contraintes réglementaires, notamment les évaluations environnementales. Une telle démarche inquiète les associations, qui craignent que cette priorité donnée à la rentabilité économique se fasse au détriment des considérations écologiques et sociales.

Les revendications des associations

Face à cette situation, plusieurs collectifs et organisations demandent un moratoire sur les nouveaux projets de centres de données en France. Leur objectif ? Obtenir une pause dans les déploiements afin d’évaluer plus précisément les impacts environnementaux et de définir un cadre réglementaire plus strict. Parmi leurs revendications, on trouve notamment :

  • La mise en place d’une réglementation limitant la consommation d’énergie et d’eau des centres de données.
  • La réalisation systématique d’études d’impact environnemental pour chaque nouveau projet.
  • L’intégration des centres de données dans une logique d’aménagement durable, tenant compte des besoins locaux en ressources et en infrastructures.
  • La promotion de solutions alternatives, comme le recyclage des équipements électroniques ou le développement de technologies moins énergivores.

Pour les associations, il est indispensable de repenser le modèle actuel, qui repose sur une croissance illimitée et une utilisation intensive des ressources naturelles.

Vers une transition numérique plus responsable ?

Le débat autour des centres de données illustre un enjeu plus large : celui de la transition numérique et de sa compatibilité avec les objectifs environnementaux. Le numérique, souvent perçu comme immatériel, repose en réalité sur des infrastructures physiques qui ont un coût écologique élevé. À l’heure où la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et sa consommation de ressources, il devient impératif de s’interroger sur la soutenabilité de ce modèle. Des solutions existent pour rendre les centres de données plus respectueux de l’environnement. Par exemple, certaines entreprises explorent des techniques de refroidissement innovantes, comme l’immersion des serveurs dans des liquides non conducteurs. D’autres misent sur l’utilisation d’énergie renouvelable pour alimenter leurs installations. Cependant, ces initiatives restent marginales et nécessitent un cadre législatif et incitatif pour se généraliser.

Conclusion : un équilibre à trouver

Les centres de données sont à la fois un pilier indispensable de l’économie numérique et une source de préoccupations environnementales croissantes. Le défi consiste à trouver un équilibre entre les besoins de stockage et de traitement des données, d’une part, et la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, d’autre part. Ce débat ne concerne pas uniquement les experts ou les associations : il interpelle l’ensemble de la société, qui doit réfléchir aux usages numériques et à leur impact sur la planète. Dans ce contexte, le moratoire demandé par les associations françaises pourrait être une occasion d’ouvrir un débat démocratique sur ces questions. Plutôt que de céder à la logique de la fuite en avant, il s’agirait de prendre le temps d’évaluer les conséquences de nos choix technologiques et de définir des priorités claires pour un avenir numérique durable.