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Le CERN prévoit un collisionneur de 91 km pour percer le mystère de la matière noire

Une ambition sans précédent pour la science fondamentale

Le CERN, organisation européenne réputée pour ses avancées en physique des particules, s’apprête à franchir un nouveau cap dans sa quête des secrets de l’univers. Après les succès du Large Hadron Collider (LHC), le laboratoire envisage la construction d’un accélérateur de particules colossal, trois fois plus grand que son prédécesseur. Ce projet, nommé « Future Circular Collider » (FCC), serait une prouesse scientifique et technologique visant à répondre à des questions fondamentales sur la nature de notre cosmos. Le FCC, avec son anneau de 91 kilomètres, surclassera largement les 27 kilomètres du LHC. Prévu pour être opérationnel dès 2040, ce futur mastodonte de la physique des hautes énergies pourrait repousser les limites de notre compréhension de l’univers en explorant des phénomènes encore inaccessibles avec les technologies actuelles.

Pourquoi construire un accélérateur encore plus grand ?

Pour comprendre l’intérêt d’un tel projet, il est essentiel de revenir au rôle des accélérateurs de particules. Ces installations permettent de recréer des conditions extrêmes, similaires à celles qui existaient quelques fractions de seconde après le Big Bang. En faisant entrer en collision des particules à des vitesses proches de celle de la lumière, les scientifiques peuvent étudier les fragments issus de ces collisions pour déduire des informations sur la structure fondamentale de l’univers. Le LHC a notamment permis la découverte du boson de Higgs en 2012, un jalon majeur en physique. Cependant, de nombreuses énigmes persistent, notamment celle de la matière noire. Cette mystérieuse substance, qui représenterait environ 27 % de l’univers, reste insaisissable. Le FCC, avec des énergies de collision bien supérieures à celles du LHC, pourrait offrir une nouvelle perspective pour détecter cette matière intrigante.

Des énergies inégalées pour des découvertes inédites

Le LHC est actuellement capable de réaliser des collisions proton-proton à des énergies atteignant 14 téraélectronvolts (TeV). Avec un anneau trois fois plus grand, le FCC pourrait atteindre des énergies de l’ordre de 100 TeV. Cette montée en puissance n’est pas seulement une question de grandeur ; elle est essentielle pour explorer des phénomènes aujourd’hui hors de portée. À ces niveaux d’énergie, les collisions pourraient générer des particules encore inconnues ou révéler des comportements inattendus dans la matière. La matière noire, par exemple, pourrait enfin « trahir » sa présence dans ces conditions extrêmes, comme le boson de Higgs l’a fait grâce au LHC. Les chercheurs espèrent aussi explorer des dimensions supplémentaires ou valider certaines théories avancées, comme celles liées à la supersymétrie.

Un défi technologique et financier majeur

Construire un collisionneur de 91 kilomètres de circonférence à 200 mètres sous terre est un défi colossal, tant sur le plan technique que financier. Le coût estimé du FCC est d’environ 15 milliards d’euros, un investissement significatif dans l’avenir de la recherche fondamentale. Ce projet mobilisera des milliers de scientifiques, ingénieurs et techniciens sur plusieurs décennies, créant ainsi un impact économique et social considérable. Le rapport de faisabilité récemment publié souligne que ce projet est non seulement réalisable, mais qu’il pourrait générer un équivalent emploi massif, avec des retombées économiques importantes pour l’Europe et au-delà. Cependant, comme pour tout projet de cette envergure, des débats sur le financement et l’utilité d’un tel investissement ne manqueront pas de surgir.

La controverse autour des accélérateurs de particules

Les grands projets scientifiques attirent souvent leur lot de controverses, et le FCC ne fait pas exception. Par le passé, le LHC a déjà été la cible de critiques, certains craignant que les collisions à haute énergie ne créent des phénomènes catastrophiques, comme des trous noirs capables de détruire la Terre. Ces craintes, bien que scientifiquement infondées, ont alimenté l’imaginaire collectif et suscité des débats publics. Pour le FCC, le CERN devra veiller à une communication claire et transparente afin de rassurer le public sur les risques inexistants liés à ce type d’expérimentations. Il est également crucial de rappeler les bénéfices plus larges de ces recherches, qui vont bien au-delà de la physique fondamentale. Les technologies développées pour les accélérateurs de particules ont des applications dans des domaines tels que la médecine, l’informatique et l’énergie.

Un projet qui s’inscrit dans une vision à long terme

Les projets comme le FCC s’étendent sur plusieurs générations, tant par leur complexité que par les ressources nécessaires à leur réalisation. Pour rappel, la proposition scientifique du LHC a été formulée en 1984. Il a fallu une décennie pour l’approuver, et les travaux de construction se sont poursuivis jusqu’en 2008, année de sa mise en service. Ce type de calendrier est inhérent à la recherche fondamentale, où patience et persévérance sont de rigueur. Le FCC ne sera pas opérationnel avant 2040 pour les collisions électron-positron et 2070 pour les collisions proton-proton. Ce long délai peut sembler frustrant, mais il reflète la réalité des défis scientifiques et technologiques. La construction d’un tel instrument nécessite des avancées significatives en matière de matériaux, de supraconductivité et de gestion des champs magnétiques.

Une coopération internationale essentielle

Bien que le CERN soit une organisation européenne, ses projets impliquent des collaborations internationales. Le FCC ne fait pas exception, avec des contributions attendues de plus de 75 instituts scientifiques répartis dans 30 pays. Cette coopération mondiale est cruciale pour partager les coûts, les ressources et les connaissances nécessaires à la réalisation de ce projet ambitieux. La Chine, par exemple, avait exprimé un vif intérêt pour accueillir un tel projet sur son territoire, dans le cadre de ses propres ambitions scientifiques. Cependant, il semble que le FCC restera en Europe, consolidant ainsi la position du continent comme leader mondial en physique des particules. Cette décision est également un symbole fort de la capacité de l’Europe à conduire des projets scientifiques de premier plan.

Les retombées potentielles d’un tel projet

Au-delà des découvertes fondamentales, le FCC pourrait avoir des implications significatives dans de nombreux domaines. Les technologies développées pour cet accélérateur pourraient trouver des applications dans des secteurs variés :

  • La médecine : Les accélérateurs de particules sont déjà utilisés pour le traitement du cancer par radiothérapie. Les avancées dans ce domaine pourraient améliorer l’efficacité et l’accessibilité de ces traitements.
  • L’informatique : Les besoins en calcul intensif pour analyser les données des collisions stimulent le développement de nouvelles technologies informatiques, comme l’intelligence artificielle et les supercalculateurs.
  • L’énergie : Les recherches sur les champs magnétiques et la supraconductivité pourraient ouvrir la voie à des innovations dans la production et le stockage de l’énergie.

Conclusion : un pari sur l’avenir de la science

Le projet de Future Circular Collider incarne l’audace et l’ambition de la communauté scientifique mondiale. En repoussant les limites de la technologie et de la connaissance, il pourrait répondre à certaines des questions les plus profondes sur la nature de l’univers. Bien que les défis soient immenses, les retombées potentielles, tant scientifiques que sociétales, justifient pleinement cet investissement dans l’avenir. Le FCC n’est pas seulement une machine ; c’est une déclaration d’intention, un témoignage de la capacité de l’humanité à collaborer pour explorer l’inconnu. À l’aube de cette nouvelle ère scientifique, le CERN et ses partenaires s’apprêtent à écrire un nouveau chapitre dans l’histoire de la physique des particules.