Programme Paris Nouveaux Mondes
PRES HESAM
Voici un petit compte-rendu de cette magnifique conférence proposée par Michel Serres :
« Qu’est-ce que le numérique ? Michel Serres remarque qu’un ordinateur, par sa double dimension hard/soft, traite et transmet l’information. Il n’est en fait ni plus ni moins qu’un nouveau couple support/message, tout comme l’était auparavant le corps/la parole, le papier/le texte. Le livre/l’imprimé.
Q’est-ce que ce nouveau couple apporte d’un point de vue du temps, de l’espace et du cognitif ?
D’un point de vue du temps, pas grand chose puisque ce couple support/message existe depuis très longtemps. Mais aussi beaucoup de choses car chaque modification du couple support/message a amené de grandes transformations dans tous les domaines : droit, politique, commerce, religion, science et pedagogie. Ainsi, le passage de l’oral à l’écrit a modifié le droit (contrat oral avec l’écrit), les dimensions commerciales, la religion (le monothéisme est la religion du Livre), la classe politique, la classe sociale, la monnaie. Mais finalement, toutes les crises actuelles ne sont pas nouvelles et sont dues à la modification du couple support/message.
La notion d’espace change également et les voisins deviennent plus proches et plus nombreux. La théorie du « Petit Monde » indique que 6 connexions suffisent pour rapprocher n’importe quels inconnus du bout du monde, il semblerait qu’avec les Réseaux Sociaux, ce chiffre descende à 4. L’espace n’est plus métrique mais non métrique, car notre adresse n’est plus une adresse postale, métrique, mais une adresse email ou un numéro de téléphone. Or, cette adresse, étymologiquement inclut la notion de droit. Administrativement, nous nous devons d’avoir une adresse. Changer l’espace, c’est donc changer le droit, changer les institutions, la politique. De plus, l’espace métrique est un espace de concentration. Nous passons à un espace de distribution. La plupart de nos réunions n’appartiennent plus à cet espace ni à ce temps. Changer d’espace implique un bouleversement extraordinaire de toutes nos institutions.
Et d’un point de vue cognitif ? Qu’est-ce en fait que la connaissance humaine ? C’est la mémoire, le message et la raison. Or, l’ordinateur possède une mémoire. Il possède un comportement rationnel et conserve et divulgue des messages. « Notre tête est sur la table ». Est-ce nouveau ? Non : à l’arrivée de l’imprimerie, Michel de Montaigne avait dit qu’il preferait « une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine ». Parce qu’avec l’arrivée du livre, il n’était plus nécessaire de connaître par coeur l’ensemble des écrits des auteurs, seule la référence devait être mémorisée afin d’aller chercher le livre sur l’étagère. Nous avons donc externaliser nos facultés cognitive.
Et cette externalisation de nos facultés ne datent pas de l’ordinateur. La station debout a fait perdre la fonction de portage mais a permis de gagner la main, puis la parole, puisque le portage ne s’effectue plus dans la gueule. La roue est une externalisation de la jambe, elle reprend le mouvement circulaire autours de l’articulation. L’homme est donc un animal dont le corps externalise ses fonctions pour en garder d’autres. Le numérique est donc une formidable externalisation de nos fonctions intellectuelles. »
Voir aussi « Petite Poucette » de Michel Serres.
2 Commentaires
La comparaison entre les fonctions de la marche (grâce avec la roue) et de la pensée (grâce à l’ordinateur) me semblent bien discutables. La pensée personnelle ne s’externalise et Michel Serres confond en permanence les connaissances disponibles (sur le web mais comme dans n’importe quel CDI de collège) et le savoir qui procède de l’appropriation de ces connaissances. On ne sait pas une langue parce qu’on dispose d’un traducteur automatique.
Pour approfondir la question : http://www.laviemoderne.net/lames-de-fond/037-l-acculture-en-serres.html
La conférence de M. Michel Serres m’a donné la motivation de poursuivre dans mon intention de recherche doctorale qui porte sur un modèle théorique de preuves unifiées (MT-PU) échangeables dans un espace public d’analyse sémantique.
À titre de chercheuse en informatique je m’inscris dans l’univers d’un monde parlant et signifiant. Dans cet univers l’interface humain-machine offre à l’humain l’occasion de parler en son nom pour divulguer un point de vue personnalisé qui laisse des traces réutilisables par les deux classes d’agents cognitifs autonomes soient humains et non humains. J’appuie ma recherche sur des principes et fondements de l’ethnométhodologie appliquée, de la linguistique discursive et de la rhétorique argumentative pour concevoir, sous la forme d’un schéma de données autonome, un nouvel avatar du couple support/message de Michel Serres.
Dans un espace public d’analyse sémantique comme celle du Web, l’autonomie du schéma de données MT-PU lui permet de « montrer patte blanche » en divulguant, a priori et a posteriori de l’échange, des indices de confiance construits sur la vérifiabilité du contenu de l’échange.
Bien que dans un premier temps je reçoive la critique d’informaticiens septiques doutant de la nécessité de ma vision pluridisciplinaire je crois à la contribution positive de mon modèle MT-PU pour tenter de résoudre une problématique d’influence où la loi de l’échange règne en maître.